Un cri parmi tant d’autres, c’est ainsi que le mois de mars débuta pour ma mère, si joyeuse de mettre au monde une fille. Depuis le début de sa relation avec mon père, son souhait le plus cher était d’avoir un enfant, et voilà qu’elle était comblée. Mais ne vous laissez pas emportés par cette image d’un couple heureux et accomplis. Derrière les portes de la maisonnée en Albany, à New-York, ce n’est pas un rêve, mais un cauchemar qui fait rage. Voyez-vous, alors que ma mère, sorcière depuis des générations, est enfin prête à partager son savoir avec sa fille, mon père, homme logique et scientifique, ne voit cela que d’un mauvais œil. Il n’y avait pas une journée après ma naissance où mes parents ne se querellaient pas. Des portes qui claquaient d’un bord, des bouteilles d’alcool qui s’empilaient sur la table de l’autre … ce n’était plus la vie parfaite tant espérée pour ces jeunes gens. Serait-ce de ma faute? Encore aujourd’hui, je me sens coupable de leur discorde. Mais je n’étais qu’un enfant à l’époque de la dégringolade, je ne pouvais pas encore m’imaginer qu’il y aurait une fin dramatique.

Mes souvenirs les plus lointains de mon enfance, étaient de joie et de rires. Alors que mon père partait travaillé, je restais avec ma mère. On s’amusait à courir dans la maison, à faire à manger et à regarder la télé. Ce fut pendant ces journées-là que j’appris, sous la tutelle de ma mère, notre héritage familial : la sorcellerie. Ma mère était énormément fière de me dire que notre arbre généalogique remontait jusqu’à Bridget Bishop, une des malheureuses victimes des procès de sorcières, à Salem. Je m’émerveillais devant ce que ma mère pouvait faire et était avide d’en connaître plus. Je n’étais pas pour le moins distante de mon père, au contraire. Il se spécialisait en programmation d’ordinateurs et il me disait de le suivre jusqu’à son bureau. Là, il me présenta le monde immense de la science et de la technologie. Tout comme ma mère, mon père avait un savoir immense et j’en étais presque jalouse. Cette routine, ce va et vient entre ma mère et mon père fit parti de mon quotidien jusqu’à ce qu’un jour de pluie, tout changea.

Comme j’ai dit un peu plus tôt, mon père n’aimait pas le côté ‘sorcière’ de ma mère. Il préférait qu’elle se comporte comme simple humaine. Ma mère avait donc retenu l’heure à laquelle il revenait à la maison, après sa longue journée de travail, et cessait donc de faire de la magie. Toutefois, occupée au téléphone avec une amie alors qu’elle préparait une potion, elle ne remarqua pas l’heure qu’il était et avant même que ses yeux ne se posent sur l’horloge, la porte d’entrée s’ouvrit brusquement et mon père la pris la main dans le sac. S’ensuivit des cris et des mots grossiers qu’à l’époque, je n’avais entendu que de la bouche de mes parents. Je vis mon père monter les escaliers, puis revenir une heure plus tard avec une valise et deux sacs. Il m’embrassa sur le front, me regarda dans les yeux une dernière fois et, sous les cris aigus de ma mère, sortit de la maison en claquant la porte derrière lui. J’eus du mal à accepter son départ, m’attendant toujours à ce qu’il rebrousse chemin. Malheureusement pour moi, il nous oublia et, comparativement à moi, avait réussi à tourner la page. Ce fut depuis ce soir-là que ma relation avec ma mère bifurqua.

Mes années au secondaire et puis au collège furent le moment que je choisis pour changer mon apparence et mon mode de vie. De la jeune fille naïve et gaie, je devins bien vite froide, distante et solitaire. Au grand désespoir de ma mère, je ne lui parlais plus, et je m’enfermais dans ma chambre dès que je revenais de cours. Mon refuge était le web et la magie, que je pratiquais toujours, mais dont je n’utilisais qu’à mon bon vouloir et pour mes propres besoins. C’était ma façon de me rebeller, de tourner la page sur une vie cassée. Plus les années passaient, et plus mes connaissances sur la technologie en général ainsi que sur mes origines augmentaient. Je me sentais toute puissante, prête à affronter le monde. Bientôt, j’eus l’opportunité de quitter le nid familial et de déménager dans un dortoir. Je fis alors la rencontre Jake et Rob, deux jeunes hommes faisant parti d’un groupe de ‘nerd’ au collège. Au début, l’idée de m’associer à un groupe de personne que je ne connaissais me laissait quelque peu perplexe. Je m’habituais toutefois bien vite à la présence de Jake et Rob, et on devint collègues de travail. Je me retrouvais bien souvent dans leurs dortoir, à essayer de hacker des sites internet afin d’exposer la vérité. Étrangement, je commençais à ressentir des sentiments pour Jake. Tout comme moi, il venait d’une famille divorcée et ne savait pas quoi faire de sa vie. Il m’avoua que si ce n’était pas le web et les ‘netizens’, il aurait probablement choisi le suicide. Pour la première fois, je ne me sentais plus seule. D’une amitié platonique, notre relation devint amoureuse et emportée par cette émotion si forte, je lui avouais mon héritage et ma connaissance de la magie. Son enthousiasme me sembla, au début, quelque peu étrange. Mais puisque je n’avais jamais avoué cela à quelqu’un, je me disais que ça devait être une réaction normale, surtout pour un couple amoureux tel que nous.

Entre les sessions de ‘hackage’ continuelles et les moments de pur bonheur, Jake voulu que je développe mon côté sorcière. Bien que l’idée me déplu au début, je finis par m’épanouir dans ce monde d’incantations et de potions. Cela me monta au cerveau à un tel point que bientôt, je me détournais du chemin que ma mère voulait me voir suivre. J’avais, comme certains diraient, choisi le côté obscur de la force, et je pratiquais de plus en plus la magie noire. J’étais devenue toxique et je-m’en-foutiste, toujours en retard dans mes cours, mais toujours à l’heure lorsqu’il était question de sortir avec Jake. Pour me rattraper dans les devoirs ou projets à remettre, je trichais, ou encore j’utilisais la magie. J’en était même venue à l’utiliser pour me venger de certaines pauvres idiotes qui avaient osées me critiquer. En y repensant bien, si j’avais continué de vivre ainsi, j’aurais quitté ce monde. Heureusement pour moi, lors d’une session de ‘hackage’ sur le site de la maison blanche c’était mal tournée, Jake avait laissé son adresse IP complètement à découvert et ainsi, le FBI fut capable de l’attraper et l’enfermer en prison. J’en perdis les pédales, allant le visiter à chaque jour pendant presque un an. Cependant, puisqu’il n’était plus à mes côtés, c’était comme mon niveau de toxicité était passé de dangereux à nul en peu de temps. Je repris le contrôle de ma vie, reconnue mes erreurs, réassembla ma vie et, peu à peu, cessa de visiter Jake en prison. Lorsque je finis mes études collégiales, je choisis de mettre mes connaissances au service des autres. Je fis donc mes bagages et quitta New-York pour Massachussetts et le MIT.

Mes 4 ans au Massachussetts furent des plus paisibles, tel un baume sur des plaies encore ouvertes. Je pouvais enfin avoir une perspective plus positive sur ma vie et sur mon futur. Cependant, je ne me sentais pas encore tout à fait à l’aise. Il y avait encore des étudiants au MIT qui avaient entendu parler de moi et qui n’osaient même pas m’effleurer dans les couloirs. Je crois que ce fut ainsi que je devins âme solitaire, préférant toujours la quiétude d’un bureau et d’un ordinateur plutôt que les fêtes et les réunions. De plus, peu après mes aventures troublantes à New-York, ma mère avait tout à coup repris contact. Maintenant droguée et alcoolique, elle avait changé du tout au tout. Je ne pouvais plus la voir devant moi, pas si je voulais devenir quelqu’un de mieux, de plus saine d’esprit et de corps. Ce fut l’une des décisions les plus difficiles jusqu’à maintenant, mais je pris l’avion pour la Louisiane. J’avais besoin d’un petit coin de pays où personne ne me connaissait et où ma mère ne viendrait pas me hanter. En arrivant dans ce nouvel environnement quelque peu … étrange, j’appris qu’un musée était à la recherche d’une programmeure-analyste. Je conduisis donc jusqu’à la Nouvelle-Orléans, et je m’établissais dans cette belle ville. J’essaie de ne pas me faire remarquer depuis que je suis arrivée, mais je sens des regards lourds tout autour de moi, et je ne me sens pas du tout à l’aise.  Je ne sais pas encore ce qui m’attend dans cette ville, mais j’ai comme l’impression que malgré mon désir de mettre une fin à mes jours de sorcière, ceux-ci étaient loin de me laisser en paix.